Louis GASSIAT dit « Jean » (1883 – 1966)

Jean Gassiat au Golf Bordelais (Gironde) avec Moulay Abd el-Aziz ( Sultan du Maroc ) en 1916

Louis Gassiat dit Jean est né à Biarritz en 1883.

Comme Arnaud Massy, Jean découvre le golf en faisant cadet sur les links de Biarritz.
Deuxième français à gagner l’Open de France, il réalise en 1912, le doublé International et National de France Pro.
En 1913, associé à Arnaud Massy, Eugène Lafitte et Louis Tellier, ils forment le quatuor victorieux de la rencontre France / Amérique, jouée sur le parcours du golf de Paris.
Pilier du golf professionnel français de 1907 à 1929, il laisse en héritage divers clubs estampillés à son nom dont un magnifique putteur de sa création mais aussi le tracé du premier parcours de 9 trous du golf d’Estoril.

Son 1er poste de professionnel a été au golf de Baden Baden en Allemagne, puis devient à l’ouverture du golf de Chantilly, le professionnel du Club. Il y enseigne jusqu’à la création du golf de Chiberta en 1927.

Ses débuts

Jean Gassiat découvre le golf à 12 ans grâce à un CPE ( Cadet Premier Emploi ) mis en place quelques années auparavant.

L’accès au golf leur est très réglementé.
« Interdiction de posséder des cannes personnelles et d’avoir accès au terrain en dehors de leur fonction ».
Tout caddy prit ne serait-ce que, pour un semblant de mouvement avec la canne d’un client est convoqué dans les bureaux du directeur et se voit infligé une mise à pied.

Emerveillé par ce nouveau jeu, la tentation est grande.

Alors afin de pouvoir le pratiquer, les premiers caddies de Biarritz ont créé sur un terrain vague, à proximité du golf, quelques trous où de grandes parties avec enjeu ont lieu.

Pour les cannes, il faut user d’ingéniosité, de patience, et ne pas être trop exigeant.

Il faut une branche de troène pour le manche. Pour la tête, un tronc d’aubépine façonné au couteau. Puis, pour raccorder le tout, un trou dans la tête à l’aide d’un fer rougi au feu. Un peu de colle et le tour est joué.
Pour les fers, ce sont « les précurseurs du manche acier », une seule pièce forgée avec les cercles de barriques.
Grâce à ces cannes au nom curieux de Makaboko et Matchicouli, de grands artistes, virtuoses du golf sont nés.
Pour les balles, morceaux de liège rejetés par la mer. Puis, grâce aux trajectoires extrêmement variables des joueurs, de belles balles en gutta retrouvées dans les buissons ou haies dès le lever du jour sont une bénédiction de Saint Andrew.
Chose bizarre mais qui sera une révolution pour les fabricants de balles, les entailles causées par le manque de précision des utilisateurs ont un vol supérieur par rapport aux balles neuves.

Voilà les débuts de Jean Gassiat, de son frère Claude, d’Eugène Lafitte et de tous les autres caddies de Biarritz passionnés par le golf, sans oublier Arnaud Massy.

Au fils des ans, les plus adroits, passionnés ou persévérants participent à la compétition annuelle des caddies.
Celle-ci est très attendue, car l’enjeu y est important. Les meilleurs joueurs peuvent espérer devenir l’élève assistant du Head Pro.
Au programme de ce stage de formation, ramassage des balles pendant les cours, changer les grips usagés, arranger les clubs et surtout bénéficier après autorisation du Pro de le remplacer en son absence pour jouer quelques parties avec de très bons « clients ».

Jean Gassiat a fait parti de ces rares élus.

Le golfeur :

La pratique de la pelote à mains nues ou à la pala comme beaucoup de basques, a certainement favorisé l’habilité, le coup d’œil, la visée, le relâchement musculaire pendant l’exercice et une analyse sur la stratégie de jeu à adopter en fonction des circonstances.

Contrairement à Arnaud Massy, qui est plutôt brut de chez brut aux larges épaules avec un caractère d’ours affamé avec toutefois, beaucoup de fair-play pour ses adversaires, Jean Gassiat est plutôt du genre mince, aux épaules étroites, de taille supérieure à la moyenne pour l’époque ( 175 cm ) et plutôt impassible.

Son swing, fluide, est toute en finesse. Son rythme, aussi régulier qu’une horloge franc-comtoise, lui permet d’avoir une qualité et une constance au drive des plus impressionnantes.
Mais c’est surtout l’excellence de son putting qui fait de lui un des meilleurs joueurs de l’époque.
Cette habilité et cet excellent coup d’œil pour l’étude des greens, il le doit surtout à des années de pratique et d’expérience. Pourtant, c’est son formidable putter, formé d’un manche en hickory et d’une tête en bois large et rectangulaire qu’il a conçu au golf club de Chantilly qui fait sa réputation.
Connu sous le nom de putter de Chantilly, de Grand Piano ou tout simplement de Gassiat, sa commercialisation à travers l’Europe et même les USA, est certainement dû au marquis de Chasseloup-Laubat, Vice Président de l’Union des Golfs de France, financier et utilisateur de cette canne miracle.
Vite adopté, le succès du putter Gassiat est immédiat.
A noter que les premiers putters Gassiat auraient été fabriqués par William M Winton, Walworth, Londres – MODEL LCL n° 627732. (sources Ellis). Les fabricants Forgan de St Andrews et Gibson de Kinghorn en Ecosse on aussi fabriqué ce putter avec différents aménagements de la semelle. Il existe aussi trois tailles de putter Gassiat.

Sa Carrière de joueur

Jean Gassiat fait partie des pionniers du golf professionnel français.

C’est lors du Grand Omnium Open de France de 1907, qui a vu la victoire pour la deuxième année consécutive d’Arnaud Massy, qu’il se fait remarquer.
Pour sa 1ère participation, il termine second devant les Taylor, Braid et Vardon, célèbres joueurs britanniques plusieurs fois vainqueurs du British Open.

En 1912, il obtient sa plus grande victoire en remportant l’Open de France.
A égalité à l’issue du 3ème parcours avec Harry Vardon et Louis Tellier, en établissant le record du parcours de la Boulie ( 37/31 = 68 au 3ème tour ).
Aucun des trois n’a remporté ce championnat.
Les paris s’orientent plus sur Harry Vardon, maître en la matière, déjà triple vainqueur du British Open puis sur Louis Tellier enfant du Club, plus précisément ex cadet du Club, qui a également réalisé 68 lors du 3ème tour.
Un score de 73 au dernier parcours permet à Gassiat de barrer la route à ses adversaires. Après Massy, Braid et Taylor, tout 3 vainqueurs de British, un deuxième biarrot entre dans la légende du Grand Omnium Championship Open de France.

Cette même année, après plusieurs participations à l’Open Britannique, il obtient son meilleur résultat avec une 7ème place à Muirfield.

Pendant la guerre de 14-18, il est mobilisé et se retrouve quelques temps à Bordeaux comme soldat moniteur et profite de ses temps libres pour faire quelques parties mémorables au Golf Bordelais avec Moulay Abd el-Aziz ( Sultan du Maroc jusqu’en 1908 ).
Un jour, Moulay Abd el-Aziz, fasciné par le jeu de Gassiat, mais un peu agacé de prendre veste sur veste, lui propose sa revanche au tennis.
Basque, une pala et une balle, il connaît !.
Certes, les règles de la pelote n’ont rien à voir avec celles du tennis mais, il accepte le défi.
Abd el-Aziz s’incline une nouvelle fois.
Le lendemain, Jean reçoit un magnifique cadeau pour cette victoire en gage de respect.

Depuis le début de la guerre, les tournois professionnels sont annulés.
Les premiers tournois français débutent en 1919 et les tournois internationaux attendront une année supplémentaire.

Jean Gassiat renoue avec la victoire en remportant en 1919, un deuxième titre national, devant Eugène Lafitte, sur le parcours de la Boulie ( tournoi joué sur 36 trous au lieu de 72 ).

En 1926, le Championnat de France Professionnels devient le National Omnium ( épreuve ouverte aux joueurs amateurs de 1ère série ).
L’année suivante, l’Omnium se joue à Chantilly. André Marino Vagliano et André Gobert, les deux premiers du championnat de France amateurs sont sélectionnés pour participer à l’épreuve.
Jean Gassiat, ancien pro du club, obtient son premier National Omnium après un play off sur 36 trous face à René Golias.
Puis, de retour au pays natal, il enseigne à Chiberta.
Chiberta accueille en 1929, l’Omnium. Jean Gassiat clôture sa belle carrière de joueur par une nouvelle victoire. Il y enseignera jusqu’à sa retraite.

A plus de 75 ans, Jean Gassiat continuait de boucler ses 9 trous quotidiens au golf de Biarritz Phare en compagnie de son ami, ancien cadet et joueur professionnel Eugène Lafitte.

Jean Gassiat s’éteint en 1966 à l’age de 83 ans.

Rédacteurs:
Philippe PALLI – Paris
et
Philippe ESTANG – Montpellier le 1er Aout 2007

Clichés aimablement prétés par Madame Forton, petite fille de Jean Gassiat. Elle nous précise d’ailleurs que Jean Gassiat a eu six enfants avec son épouse d’origine anglaise. Une de ses filles, (mère de Madame Forton) s’appelait Alfreda Gassiat. Elle était golfeuse amateur et tenait le « pro shop » de Chiberta avec son frère Henri Gassiat (cf photo)

Collection : Philippe ESTANG – Montpellier sauf mentions contraires

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