Louis Emile TELLIER (1886-1921)

Louis TELLIER en 1915 à l'US Open

Au fil des ans, le British et l’Open de France perpétuent la mémoire d’Arnaud Massy. Jusqu’à la participation de Jean Van de Velde au championnat Open des Etats-Unis, je n’avais, à tort, jamais entendu parler de Louis Tellier.
Ce professionnel de golf français a attiré ma curiosité. Il est resté aux oubliettes de l’histoire du golf français pendant plus de 80 ans.

Il a été le premier français à disputer l’Open américain et, s’est classé 4 fois dans les 10 premiers.
Il a été le premier français à tenter l’aventure Outre-Atlantique.
Il a été membre de la PGA américaine dès sa création.
Il a disputé le 1er PGA Championship en 1916.
Il a été le 1er français vainqueur sur le circuit US PGA.

Rédacteur : Philippe PALLI – Paris le 21 Novembre 2007

Louis Emile Auguste Tellier est né à midi à Versailles le 2 novembre 1886 au domicile de ses parents au 42 rue de l’Orangerie. Son père Henri Auguste Félix est relieur. Sa mère, Henriette Julie Goguelet est couturière.

Louis Tellier, cadet au golf de Paris.

Pierre Deschamps, Président du Golf de Paris La Boulie, veut des cadets irréprochables à tout point de vue. Une éducation stricte et militaire est mise en place. Respect, propre sur soi, politesse et ponctualité sont les mots d’ordres.
Style boy-scout, ces petits soldats au service des adeptes de la balle en gutta, portent un uniforme. Pantalon, veste, chemise, cravate et chapeau vert.
C’est probablement par cette formation que Louis Tellier est devenu un des Généraux français de la baguette en hickory.
Il a croisé entre autre, René et Gustave Golias, un peu plus jeunes, qui ont également fait partie de notre élite professionnelle.
Contrairement à Massy et Gassiat le brillant duo, Tellier n’est donc pas basque.

Louis Tellier, 26 ans, un des meilleurs joueurs professionnels français.

Aujourd’hui, un cadet est considéré comme amateur même s’il perçoit de l’argent pour son travail. A l’époque, tout cadet était considéré comme professionnel.
Louis Tellier, en fait partie. Passionné, son niveau de jeu, s’améliorant avec le temps, lui permet de participer aux divers tournois dits professionnels.
Il se fait surtout remarquer à l’Open de France 1912 et participe aux tournois internationaux comme l’Open britannique, l’Open d’Allemagne, l’Open de Belgique. Généralement accompagné par ses aînés, Arnaud Massy et Jean Gassiat, il apprend.
En 1913, il est le numéro 3 français.

Pierre Deschamps est depuis peu, le Président de l’Union des Golfs de France. Il a l’idée d’organiser au sein du Golf de Paris un match international par équipes de 3 joueurs et qui réunit quatre pays.
La date de la rencontre est prévue quelques jours après le British Open.

L’USGA trouve l’idée très intéressante mais n’est pas sûr d’avoir suffisamment de joueurs pour présenter une équipe. En effet, le règlement stipule, que les joueurs doivent être natifs du pays qu’ils représentent.
Parmi les joueurs d’Outre-Atlantique et participant au British, seul John Mac Dermott est né aux Etats-Unis.
Les autres, devenus américains, sont d’originaires britanniques.

Air Shot !

Recovery ! Mike Brady et Tom Mc Namara confirme leur participation au British.
Avec John Mc Dermott, les Etats-Unis ont une équipe et la rencontre de Paris peut cette fois-ci, être envisagée. Cette grande première, permettant aux meilleurs professionnels français, américains, anglais et écossais de se confronter, excite un peu les futurs organisateurs.

Finalement, la quadrangulaire envisagé devient un face à face France / Etats-Unis et chaque équipe est du coup, composée de quatre joueurs. Spectacle oblige !

Le match a lieu le 30 juin et le 1er juillet 1913, soit deux semaines après le British Open.

L’équipe américaine est composée de :
John Mc Dermott, 1er joueur né aux Etats-Unis à remporter l’US Open 1911 et 1912.
Alex Smith, écossais devenu américain, vainqueur de l’US Open 1906 et 1910.
Mike Brady, second de l’US Open 1911 et troisième en 1912.

Et enfin, Tom Mac Namara.

Côté français, l’équipe est composée d’Arnaud Massy, Louis Tellier, Eugène Lafitte et Jean Gassiat.

Excepté Eugène Lafitte, tous ont participé au British à Hoylake. Parcours, Ô combien, sympathique à Arnaud Massy.
Le résultat des américains n’a pas de quoi inquiéter les Français. ( facile de dire cela, lorsque l’on connaît le résultat ! ).

John Mac Dermott termine cinquième et les trois autres joueurs finissent au-delà du trio français.
Arnaud Massy termine à la 7ème place ex-equo. Louis Tellier et Jean Gassiat terminent à la 20ème place.

Quelques jours plus tard, la rencontre France / Etats-Unis a lieu.
Massy, associé à Tellier bat le duo John Mc Dermott / Tom Mac Namara par 3 et 2 sur 36 trous.
( Cumul du match en foursome le matin et du quatre balles l’après-midi. )
Le lendemain, le professionnel parisien domine Alex Smith par 6 et 4 sur 36 trous.

Le résultat final des parties est sans appel : France bat Etats-Unis 6 à 0 ( 2 doubles et 4 simples )

A l’issue des deux journées, John McDermott, vexé, critique la formule de jeu choisie et lance : « les concours en match play ne prouvent rien, seuls, les concours par coups comptent. » Et, attend les Français au Championnat des Etats-Unis pour voir ce qu’ils sont vraiment capables de faire sur un parcours qu’ils ne connaissent pas.

Louis Tellier : Un pro français à l’US Open.

A la mi-septembre, Louis Tellier et Arnaud Massy doivent disputer le championnat des Etats-Unis.

Juillet 1913.
De retour aux Etats-Unis, Mike Brady, originaire de Boston, annonce la présence des joueurs français au championnat américain et les présente comme des vainqueurs potentiels.
Cette annonce qui ravit les organisateurs de l’Open est confirmée par Tom Mc Namara.
Avec la participation d’Harry Vardon, Ted Ray et Wilfred Reid mais aussi la présence des meilleurs pros et amateurs américains, le championnat s’annonce chaud.

Hélas, Arnaud Massy sous contrat avec le golf de Deauville pour la saison d’été, doit finalement annuler sa venue.

Tellier « toujours prêt ! » confirme sa participation à l’US Open Championship.
Ce grand moment il le vivra avec Ella, son épouse d’origine anglaise, qui l’accompagne.

Epouser une britannique pour un golfeur professionnel français doit être à la mode. Après Arnaud Massy avec sa Janet, Jean Gassiat et Sélina, voilà le tour du numéro 3.

Certains membres du golf de Paris, regrettant certainement l’absence de Massy à l’épreuve américaine « chuchotaient qu’il était inutile d’envoyer ainsi nos couleurs à une défaite certaine. »

Certes, Tellier n’a pas le palmarès ni la notoriété du Maître cependant, il a déjà obtenu de bons résultats. ( 3ème à l’Open de France 1912, et 2ème du récent championnat de France Pro. )

Pour aller de Paris à New York, il faut compter une bonne semaine. Oui mais, il y a aussi un avantage, le décalage horaire n’est pas ressenti.

Le couple embarque à bord du Majestic.

Après le naufrage du Titanic, un an plus tôt, La Compagnie White Star Line a remis au travail le Majestic qui fête ses vingt trois ans de bons et loyaux services.
Le bateau part de Southampton le 20 août et fait escale à Cherbourg.
Après une traversée qui je l’espère n’a pas été trop mouvementé, ils arrivent à New York le 28 août.

Arriver en baie de New York et apercevoir la Statue de la Liberté a dû leur offrir un grand moment de soulagement certes, mais aussi, beaucoup d’exaltation.

Louis et Ella débarquent à Ellis Island, petite île au sud de Manhattan, et doivent passer les classiques contrôles administratifs et médicaux.

28 août 1913.
Louis Emile Tellier, 26 ans et 10 mois mesure 5 pieds et 4 pouces ( 160 cm environ ), aucun signe particulier, cheveux châtains, yeux marrons et semble en bonne santé.
Ella Jeannette, de quelques mois sa cadette, a la même taille et son état général est également bon.

Cependant, les deux ont le teint pâle alors que la plupart des passagers ont le teint frais, clair, bronzé etc.. Ont-ils été malades ?

Cependant, une des fiches d’enregistrement à l’immigration est incomplète et barrée. Normal, elle concerne les citoyens américains. Or, ils ne sont pas américains.
Il est probable que cette erreur les a suffisamment perturbé. Généralement, fin août, un professionnel de golf a le teint plutôt hâlé.
L’adresse indiquée, est celle d’un cousin à Germantown. Douze jours plus tôt, le frère d’Ella, Wilfred Reid, arrivé avec Vardon et Ray à bord du Celtic, avait laissé le même lieu de résidence.

Madame Tellier attendra certainement chez son cousin, le retour de campagne de son cher et tendre. Quant à celui-ci, il doit être le lendemain chez Alex Smith.
Une rencontre amicale de 18 trous est organisé pour le 30 août, sur le parcours du Wykagyl Country Club. Smith grâce à un beau 70 prend une petite revanche sur le frenchy qui, avec 74, signe son premier score plutôt encourageant sur le sol américain.

Tellier, Alex et son frère Mc Donald se rendent à Brookline, près de Boston, quelques jours avant l’Open pour participer à une série de rencontres organisée par Le Country Club. Celle-ci, dite de préparation et de présentation, se déroule dans les golfs avoisinants et a pour but de promouvoir le jeu de golf, le championnat et bien évidemment les participants.

Hôte du Brae Burn Country Club, le champion de la Boulie, retrouve son beau-frère, le grand Harry Vardon, le génial Ted Ray et Chris Calloway, qui représente un autre club français, le golf de Cannes Mandelieu.

Les meilleurs joueurs américains, amateurs et professionnels sont présents. John Mac Dermott défend son titre et espère bien triompher une troisième année consécutive.

Tous sont présents pour participer aux épreuves préliminaires de l’US Open. Même aux Etats-Unis, l’accès au Club House et vestiaires sont strictement interdits aux joueurs professionnels.
Or, et sans précédent dans l’histoire du golf, Harry Vardon et Ted Ray sont admis lors de ces rencontres dans l’enceinte de certain bâtiment et pendant le championnat, Le Country Club, plus conservateur, met à leurs dispositions des installations plus modestes mais privées.

Cette entorse au règlement a été une révolution dans le monde conformiste du golf. Ce privilège a été perçu sur le moment par les pros américains comme une discrimination de plus et a créé un certain malaise et une certaine animosité entre joueurs.

Louis Tellier, son 1erUS Open.

Depuis sa création en 1895, c’est la première fois qu’un golfeur français participe au championnat américain.

150 joueurs sont inscrits.

Vu le nombre d’inscrits, des qualifications sur 36 trous sont prévues pour accéder au championnat.
Les 75 premiers joueurs, tirés au sort, se présentent au départ du mardi 16 septembre pour 36 trous dans la journée et les autres concurrents se sont présentés le lendemain pour effectuer leurs parcours.

Tellier, tiré à quatre épingles, fait partie du 1er groupe.
Il est en compagnie d’Harry Vardon, Chris Calloway, Francis Ouimet, Charlie Burgess, Tom Vardon, M. Watson ( Président de USGA ) etc…
Avec un de score de 161, il termine huitième de cette série.

Le niveau de jeu du deuxième groupe est, semble t-il, plus élevé.
Parmi les concurrents, Ted Ray, Mac Dermott, Brady, Mac Namara, Alex Smith, Walter Hagen jeune pro de Rochester etc.. Et John Shippen, premier joueur professionnel noir américain.
Agé de 35 ans, Shippen joue son cinquième US Open. Il a débuté comme cadet et a amélioré son jeu sous le regard de l’Ecossais Willie Dunn, l’architecte du golf de Biarritz, lorsque celui-ci a séjourné aux Etats-Unis.

Cette série est remportée par Ted Ray avec un total de 148.

Au total, 69 joueurs sont qualifiés pour les 72 trous du championnat.

A la fin de la première journée, deux joueurs sont en tête, Harry Vardon et Wilfred Reid avec un score de 147 sur 36 trous.

Louis Tellier avec ses deux 76 soit 152, occupe la 11ème place.

Le l9 septembre, les deux derniers tours se jouent sous une pluie battante.
Wilfred Reid fait un catastrophique 85 le matin et ne fait pas beaucoup mieux l’après midi. Une trace significative sur son visage, laissée la veille au soir par Ted Ray suite à un repas très arrosé et une conversation plutôt houleuse, l’a probablement empêché de mieux lire ses lignes de putts.

Tellier rentre le matin avec un 79. L’après-midi, le versaillais se retrouve leader de l’Open à quelques trous de la fin.
Hélas, un problème au trou n°12 l’éloigne du titre. Il réalise cependant un superbe 76 ( meilleur score du tournoi lors dernier tour;)
Il termine le championnat à la 4ème ex equo en compagnie de Walter Hagen, Jim Barnes et Mac Donald Smith avec un score de 307 à trois points de la première place.

Quant à John Mc Dermott, qui n’avait pas apprécié sa défaite et celle de son pays à la Boulie contre les joueurs français, termine avec un total de 308.

A l’issue des 72 trous, trois joueurs occupent la première place avec un total de 304.
Harry Vardon, Ted Ray et à la surprise générale le jeune amateur Francis Ouimet.

Un barrage est prévu le lendemain matin à 10h00 sur 18 trous.
Après 9 trous, les trois joueurs sont toujours à égalité. 38 chacun.

Ted Ray chute le premier, malgré un magnifique birdie au dernier trou, il réalise un score de 78.
Harry Vardon s’accroche mais en vain. Bogey au 17 et double au 18, il signe un 77.
Birdie / Par pour terminer, Francis Ouimet, 20 ans, remporte le play off et l’Open américain avec un score de 72.

Après le match, Ted Ray, dit « Ce jeune homme sera un des plus grands golfeurs ».

Le golf américain considère ce play off comme « Une partie de Légende ». Un film, certes un peu arrangé, retrace cette épopée.
L’année suivante, Francis Ouimet vient en Europe participer à une série de championnats dont l’International de France Amateur qu’il gagne brillamment face au britannique H.J. Topping par 4 et 3 sur le parcours de La Boulie.

Louis Tellier, son dernier Grand Omnium de France.

Après quelques semaines passées en Amérique, Louis Tellier rentre au pays et enchaîne mi-octobre avec le Grand Omnium de France.
Pour la première fois depuis sa création, le championnat se joue au golf de Chantilly. Plus de soixante dix participants. Un record.
Ce links tracé par le célèbre Tom Simpson est ouvert depuis quatre ans. Le parcours est plutôt long, 6600 yards, et surprend beaucoup les joueurs qui le jugent beau mais difficile.
Seuls, les départs et les fairways paraissent sympathiques !
Le résultat du grand espoir français n’est guère brillant. Peut-être un peu fatigué ou tout simplement ailleurs.
L’annonce de son arrivée, au Canöe Brook Country Club dans le New-Jersey, est officialisée en octobre 1913.
Sa décision a été prise. Il laisse le poste de professionnel du golf de Paris et va prendre ses nouvelles fonctions au pays de l’oncle Sam à partir du 1er mars 1914.

Louis Tellier 1914 / 1921 : A Former French Champion

A priori, le couple ne semblent pas être repasser par New York. Aucune trace. A croire que leur premier passage à la douane, quelques mois auparavant, avait été terrifiant !

Les moyens de transports n’étant pas aussi rapides que maintenant ni aussi réguliers et surtout coûtant très chers, quitter le territoire national pouvait signifier un non-retour sauf, titulaire d’un compte bien rempli ou avoir fait fortune.

L’Amérique fait rêver.
Certains ont réussi mais beaucoup n’y sont jamais arrivés.
Les premiers professionnels de golf sont britanniques. Débarqués fin 19ème et début 20ème, ils espèrent beaucoup de ce nouvel Eldorado.
Quelques uns, comme Alex Smith et son frère, ayant souhaités la nationalité américaine se font naturaliser. Oh ! Pas pour des raisons fiscales comme on peut le faire aujourd’hui mais pour clore un chapitre et en créer un nouveau.

Louis Tellier est-il resté Français ou est-il devenu Américain ? Personnellement, cela n’est égal.
Pour moi, il est Français.
Cependant, un article de Linde Fowler dans American Golfer de décembre 1921 parle de Tellier en ex-frenchman. Qu’importe ! Les Américains sont aussi chauvins que les Français.

1914. il s’installe à Summit dans le New-Jersey et devient le professionnel attitré du Canöe Brook Country Club.
En août, la guerre éclate. Elle est terminée pour les vendanges ! Déclare-t-on en France.

Devait-il revenir au pays pour combattre ? Etait-il dans l’obligation de le faire ?
Toujours est-il qu’il est resté aux Etats-Unis, et a continué son métier.
Lors de l’US Open au Midlothian Country Club dans l’Illinois et gagné pour la 1ère fois par Walter Hagen, il se classe à la 8ème place.

« Louie » pour les plus proches, fait partie des meilleurs joueurs.
Dénommé par ses pairs « le plus grand des petits », il étonne. Doué d’un remarquable contact et toucher de balle, putter compris, long swing au rythme parfait, il manie le driver comme personne d’autres.

Lors de sa troisième participation à l’Open américain, en 1915, qui se déroule au Baltusrol Golf Club à Springfield dans le New-Jersey, il est dans la possibilité de triompher, mais en vain.
Après les deux premiers tours, il est en tête avec Jim Barnes. Lors du second parcours, il signe un score de 71 malgré un double au 15 et un bogey au 16.
Après trois tours, il a un point de retard.

Au départ du trou n° 7 du dernier parcours, Louis Tellier se retrouve en tête.

En plein driving, il est déconcentré par un spectateur puis, une série de catastrophe s’enchaîne jusqu’à la fin du trou. Résultat : 9. Quadruple bogey sur ce par 5. Toute chance de remporter le tournoi, semble s’envoler. Malgré sa détermination, le titre lui échappe et le frenchy termine pour la seconde fois à la quatrième place ex equo.

En juillet 1915, ses parents, Auguste et Henriette, débarquent à New York et viennent rendre visite à leur fils.

En fin d’année, il intègre le célèbre golf de Brookline, The Country Club, où il a joué l’US Open deux ans plus tôt.

Depuis quelques temps, les professionnels américains ont le souhait de prendre en charge leur destinée.
Créer une structure qui ne gère pas uniquement leurs propres intérêts mais aussi d’avoir un regard pour le bien du jeu, sur le choix des parcours de championnats, l’organisation etc.…
Une délégation de pros se rend à New York à l’invitation de M. Rodman Wanamaker, homme d’affaires, qui se propose de les aider dans le projet d’une association nationale des pros similaire à celle, existante en Grande-Bretagne.

A l’issue de cette rencontre, tous prennent conscience que, pour la bonne marche et le succès de leur entreprise, ils doivent être entourés d’amateurs dont certains participeraient à la logistique.
L’Association des professionnels de golf d’Amérique est créée en 1916 et organise son premier tournoi, le PGA Championship.
Rodman Wanamaker offre le challenge ainsi que la dotation pour les joueurs.

Le championnat se déroule sur le parcours du Siwanoy Country Club à Bronxille dans l’Etat de New York. Premier tournoi professionnel joué en match play ( formule abandonnée en 1958 ), trente deux joueurs, dont Louis Tellier, sont sélectionnés. A l’issue de la finale, le vainqueur, Jim Barnes empoche 500 $ et une médaille incrustée de diamants.

1917. Les Etats-Unis qui apportent depuis deux ans un soutien financier et matériel aux alliés, entrent en guerre contre l’Allemagne. Tous les championnats sont annulés jusqu’à nouvel ordre.

Jusqu’à la fin de la guerre, Louis Tellier, Mike Brady et la plupart des pros de la PGA of America mais aussi les brillants amateurs Francis Ouimet et Jesse Guilford jouent en faveur de la Croix Rouge.
L’argent récolté sert essentiellement à l’achat d’ambulances qui sont envoyées en Europe.

1919. L’activité golfique reprend.
L’US Open se joue cette année au Brae-Burn Country Club. Louis Tellier est devenu le professionnel du Club. En manque d’entraînement, il préfère ne pas s’avancer sur sa participation.
Professionnel consciencieux, appliqué et « courageux » ( il est décrit comme tel lors de l’US 1913), il s’entraîne, reprend confiance sur son jeu et s’inscrit finalement au championnat.

Après les deux premiers tours, il est 3ème ex-equo et se retrouve encore une fois, parmi les vainqueurs potentiels.
Le lendemain matin, certainement un peu nerveux, il réalise un 82.
Le 75 de l’après midi lui permet tout de même de finir à la 6ème place à uniquement, 7 points des premiers.
Walter Hagen gagne en play off son 2ème Open face à Mike Brady.

L’année suivante, Tellier termine l’Open à la 38ème place. Mais, il obtient un quart de finale au PGA Championship, battu par le futur vainqueur Jock Hutchinson. Ce dernier recevra en plus des 500 $ et du prix souvenir, une médaille offerte par la PGA britannique à la PGA of America en souvenir de l’aide apportée par les pros américains durant la guerre.

1921. La PGA of America regroupe environ 1000 pros. 10% d’entre eux résident dans les Etats formant la New England.
Charlie Burgess propose et crée en janvier 1921, une association « régionale » basée sur les mêmes principes que la PGA nationale, La New England Professional Golfer’s Organization.

Plusieurs petits championnats mais aussi des pro-am en quatre balles, en mixte-foursomes etc…sont organisés à travers la New England.
Ces tournois, permettant aux professionnels de s’entraîner, de gagner un peu d’argent et aux plus jeunes de s’aguerrir, servent de qualification pour la phase finale sur 36 trous du NEPGO Championship qui est prévu au mois d’octobre.

Lors de la 1ère qualification au Winchester CC, c’est un succès.
Quarante quatre joueurs sont au départ. Willie Ogg remporte l’épreuve. Louis Tellier, en tête à mi-parcours, termine cependant très bien placé.
C’est à Brae Burn, qu’il se qualifie pour la finale du NEPGO Championship avec un superbe score de 72. Cette victoire est encourageante tout comme sa 3ème place à l’Open du Maine ( encore une fois en tête après 36 trous ) et sa 14ème place à l’US Open.
Les 27 et 28 septembre, il participe au Massachusetts Open Championship, épreuve du circuit PGA of America.
Le tournoi se dispute sur le magnifique parcours dessiné par Donald Ross, l’Essex Country Club à Manchester près de Boston.
A l’issue des 72 trous, Tellier et John Cowan, de Oakley, sont à égalité. Un départage est organisé le lendemain.
C’est la première fois que le Français est dans cette situation. Un play off est loin d’être simple. Le Français n’a jamais gagné de tournois important malgré plusieurs possibilités. L’envie de gagner est bien, normale et motivante mais une simple projection mentale dans le futur, que l’on ne maîtrise pas, ( si je gagne…, j’aurais…. Si je fais… , je suis… ) au lieu de rester concentrer sur son jeu, engendre entre autre, la célèbre pression.
Les 18 trous sont intenses mais, de drame pour les deux joueurs.
Finalement, avec un coup de moins que son adversaire ( c’est suffisant ! pour gagner ), Louis Tellier inscrit son nom au Massachusetts Open Championship 1921.
Cette victoire au forceps est la récompense de tous ses efforts, ses sacrifices, sa persévérance et comme toute victoire, une satisfaction personnelle.
Ce championnat existe toujours. Créé en 1905, il fait partie de 1916 à 1938 du circuit de la PGA of America.

Trois semaines plus tard, la finale du 1er NEPGO Championship réunit soixante deux joueurs au Myopa Hunt Club, Hamilton, Mass..
Arrivé fiévreux le matin du tournoi, il est à l’issue du 1er tour en tête avec 6 points d’avance avec un 72.
Tellier a bataillé pour gagner son 1er championnat. Dans la plupart des cas, ceux qui peinent à gagner se sentent dans l’obligation de triompher une deuxième fois afin d’être certain que la victoire précédente, à cause d’une croyance dont il faut faire abstraction, n’est pas due au hasard mais est le fruit d’un travail et d’une grande assiduité.
Son dernier parcours est un chemin de croix. Il réalise un de ses plus mauvais scores de sa carrière et perd le championnat d’un point.
Cet échec, bien qu’il n’était pas au mieux de sa forme physique, va déstabiliser mentalement le champion.

Depuis le début de sa carrière, il est souvent très bien placé lors de grands évènements comme l’US Open, parfois leader, il fait partie de l’élite. Il lui a fallu sept ans pour gagner un tournoi. Malgré cette importante victoire, ce mal à concrétiser l’a toujours poursuivi et continue de l’affecter. Echouer lors d’un tournoi « de moindre importance » est probablement en son moi intérieur, une calamité, une honte par rapport à son niveau. Son récent triomphe est remis en question.
La vie des pionniers professionnels aux Etats-Unis, n’est ni simple ni facile. Les conditions de travail, les problèmes financiers, la concurrence, le stress permanent dû à l’obligation de résultats afin d’être considérés ont également contribué à sa destruction intérieure.
Depuis quelques temps, ses amis les plus proches, dont Chay Burgess, remarquent un problème d’équilibre mental. De récent problème physique mais surtout la perte d’un ami l’ont complètement désemparé.
L’association de tout, conduit Louis Tellier au suicide. Il se pend, au lendemain de son 35ème anniversaire, le 3 novembre 1921.

Sources :

American Golfer

La Vie au Grand Air

Archives New-York Times

Golf Links by Charles D. Burgess