Historique du Golf de Vallière 1913 et Morfontaine 1927

Extrait du livre « Le Golf » Nouvelle édition française Paris 1936

Le golf de Morfontaine, dessiné par l’architecte anglais Tom Simpson, fut ouvert en 1913. Ce fut le premier golf de conception moderne qui apparut dans cette région.

Ce golf de 9 trous, tracé sur le terrain d’une assez vaste étendue, entre la route du Prince et les Buttes de Mauloy, présentait des obstacles naturels d’une grande variété. Il fut aussitôt apprécié des joueurs.

En 1926, le duc de Gramont et l’un de ses amis, M. Bénédic ( grand fervent du golf lui aussi et grand organisateur du développement du jeu de golf en France ), eurent l’idée de créer un grand golf de championnat sur le terrain du domaine de Vallière. Ce projet fut rapidement mis à exécution.

L’architecte T. Simpson fut chargé de dessiner le nouveau golf qui surgit bientôt parmi les bruyères et les rochers du fameux jardin anglais de Vallière.

Ce nouveau golf, qui reçut le nom de « Golf de Morfontaine », a la longueur de 5860 mètres et contient 18 trous. Il occupe une superficie de 155 hectares.

Il fut tracé en tenant compte des accidents naturels du terrain, ce qui évita de créer des bunkers artificiels ( sauf près des greens qui sont bien gardés par des bunkers très difficiles ) et rappelle beaucoup les anciens et connus golfs d’Ecosse.

Il fut inauguré le 9 octobre 1927 et le Club-House fut terminé en mai 1928.

Le golf de Morfontaine, tracé sur un terrain sablonneux, permet de jouer en toutes saisons et par tous les temps. La diversité de son site et de son cadre y compose un paysage tranquille, coloré, rehaussé par des fonds de bruyère et de sapins qui s’étagent sur des rochers moussus. Il constitue un terrain remarquable et de jeu et d’agrément.

Lors de l’ouverture du golf, un comité fut créé sous la présidence du duc de Gramont et la vice-présidence de MM. A. Bénédic et Esmond.

Il est actuellement composé des membres suivants :

MM. R-C. Aublin, H. Balézeaux, A. Boucheron, duc de Guiche, comte d’Harambure, marquis de Laborde, E. Manœuvrier, baron Ed. de Rothschild, comte de Saint-Sauveur, René Thion de la Chaume, A. M. Vagliano, M. Delagrave, H. Weinbach.

Directeur du golf : Commandant C. Soldatenkoff.

Professeurs : MM. Marcel et René Philippon.

 

Morfontaine par Laure de Gramont, petite fille du duc de Gramont

 

Il était une fois deux Edouard et trois Armand. Tous jeunes gens de bonne famille avec quelques moyens et une passion commune pour la petite balle blanche. Leurs petits enfants sont toujours membres de notre club et c’est cette pérennité et cette amitié entre les familles fondatrices dont je vais vous parler ce soir.

La balle blanche de polo tout d’abord pour Edouard de Rothschild, Edward Esmond et Armand de Gramont qui démarraient la saison à Laversine près de Chantilly, la prolongeaient en août à Deauville, jouaient à Mortefontaine à l’automne et terminaient à Cannes où ils retrouvaient entre autres Winston Churchill qui y jouait en 1908.

Lorsque ces jeunes sportifs prirent un peu d’âge, ils décidèrent de se mettre au golf, un sport qu’ils pensaient être moins dispendieux et moins casse cou. Ils ne savaient pas ce qui les attendait.

Armand de Gramont avait découvert ce jeu à Dieppe en 1896.

Enthousiaste, il créa la même année avec son jardinier, un premier parcours de six trous, près du potager du château de Vallière que ses parents venaient de construire dans le village de Mortefontaine.

Mais ce n’est qu’après avoir rencontré l’architecte de golf Tom Simpson en Angleterre, alors qu’il achetait des chevaux de polo, qu’il demanda à ses parents Agénor et Marguerite l’autorisation de créer un golf de neuf trous, sur l’ancien terrain de polo : c’est notre parcours de Vallière actuel.

Le mercredi 15 octobre 1913, lors de son inauguration, Vallière fut le théâtre d’un grand événement sportif. James Braid, cinq fois vainqueur de l’Open britannique y rencontrait Jean Gassiat, la jeune gloire montante du golf français et Arnaud Massy, seul joueur français à avoir remporté l’Open britannique en 1907.

C’est dire que les ambitions du jeune duc étaient élevées !

Ingénieur de talent, il avait à 25 ans développé un laboratoire de recherche optique à Levallois, le futur SOPELEM et créé l’Institut d’Optique à Paris.

Il s’était également intéressé à l’aérodynamique et à la résistance de l’air qui seront l’objet de sa thèse de doctorat. Il conçut pour s’amuser une balle de golf « idéale » en 1925, dont le diamètre légèrement supérieur à celui en vogue à l’époque, fut bientôt adopté par les Américains.

Son désir contrarié de faire les beaux arts, lui avait valu de s’entourer d’artistes comme Boldini et Laszlo et il entretint une amitié de 20 ans avec Marcel Proust qui fit de lui l’un des modèles de Saint Loup dans la Recherche du Temps Perdu.

C’est en 1926, alors que la première guerre mondiale avait eu ses effets et que son père, le Duc de Gramont venait de mourir que – je cite, « le luxe d’un terrain de golf privé me parut excessif » .

Nous retrouvons alors nos trois Armand et nos deux Edouard qui eurent l’idée de créer sur une partie du domaine de Vallière, un golf de 18 trous acceptant des membres.

Armand Bénédic, l’arrière grand père de Jacques Sée, était président du Golfer’s Club et avait fait une certaine fortune au Brésil. Très lié à Gramont par son goût de la fête et des jolies femmes, il fut immédiatement nommé vice président et géra le suivi de la construction du parcours et du club house dessiné par l’architecte Siclis.

Armand de Saint Sauveur, le père de Jacques et de Paul, et le grand père d’André ici présent, le Marquis comme on l’appelait, et que nombreux d’entre vous avez connu toujours assis à sa table derrière le buffet de la salle à manger, était un ami de toujours.

Edward Esmond, grand père de Gérard de Waldner, qui avait été 10 de handicap au polo, s’était mis au golf à 36 ans à North Berwick (baptisé le Biarritz du Nord) à la frontière de l’Ecosse et du Northumberland et devint scratch en 3 ans de golf intensif.

Edouard de Rothschild enfin, grand père de David et d’Edouard fut également partant et contribua généreusement : il était l’ami intime de Esmond et le cousin germain d’Armand de Gramont qui fut nommé président et le resta pendant 35 ans jusqu’à sa mort en août 1962.

La contribution d’origine des fondateurs fut de 1 million 500 000 francs de l’époque.

Voici un court extrait du journal de mon grand père lors de la création du golf:

« Simpson avait de la conception des terrains de golf des idées originales ; il était paysagiste autant que sportif. Il se servait des accidents du terrain pour rendre le jeu amusant et varié mais il s’arrangeait toujours pour que les obstacles nécessaires au jeu ne soient pas perceptibles aux promeneurs en sorte que le parcours qu’il organisait faisait plutôt figure de parc à l’anglaise que de terrain de sport. « ….
« La plus grande difficulté que nous avons rencontrée a été causée par l’arrosage qui, étant donné le terrain sablonneux du parcours devait être abondant. Les puits forés sur les indications des ingénieurs hydrauliciens ou de sourciers, nous donnèrent une eau de bonne qualité mais en quantité insuffisante. Un bélier puissant fut nécessaire qui apporta l’eau du Lac de l’Epine….nous n’avons pas encore eu les moyens étant donné les dégâts produits par la dernière guerre d’amener à Mortefontaine l’eau de la Thève…. »

S’ajoutèrent à cette belle brochette de sportifs enthousiastes, André Vagliano, le père de Lally, qui jouait alors à Chantilly, René Thion de la Chaume, dont la fille Simone, plusieurs fois championne de France, inaugura le parcours le 13 octobre 1927.

Elle devait épouser René Lacoste dont le fils François est toujours membre. C’est Corisande de Gramont, âgée de 7 ans qui coupa le ruban lors de l’inauguration.

Dès 1930, le club compta 350 membres parmi les meilleurs joueurs français et surtout internationaux. L’Aga Khan, le roi Leopold III de Belgique (qui avait 2 de hcp), Alphonse XIII venaient jouer à Morfontaine.

Les 18 trous dessinés par Tom Simpson qui, entre temps, était devenu très célèbre grâce à la réalisation de Chiberta, Deauville, Fontainebleau, le Touquet et Beauvallon, Muirfield et Ballybunion en Grande Bretagne, attirèrent de grands champions comme André Vagliano, Pierre Maneuvrier qui remportait à 22 ans son troisième championnat de France, Jacques de Saint Sauveur, Philippe Boulart, Henri de Lamaze, Claude et Jean Weinbach et Gratien de Gramont.

Chez les femmes, c’est Lally Vagliano qui dès l’âge de quinze ans, rafla toutes les coupes.

A 16 ans, elle gagnait le British Girls, première grande victoire internationale d’une carrière qui devait inclure sous le nom de Lally de Saint Sauveur, le championnat de Grande Bretagne en 1950, huit titres de championne de France et dix autres de championne en Europe.

Cécile de Rothschild, Sonia Eloy, Elsie de Gramont, Gilberte Dreyfus qui vient de nous quitter à 105 ans, Jacqueline Alvarez se distinguent dans les équipes.

Odile Semelaigne, fille du directeur de l’après guerre gagnera elle aussi dix titres de championne dont huit en France .

Micou Caillol fut quatre fois championne de France.

En 1946, année bénie, Morfontaine gagna le championnat de France Homme, Femme et professionnel.

Plus récemment, Georgie Leven fut deux fois champion de France en 1975 et 1976. Valérie Dulout, la sœur de Jean, membre de l’Equipe de France gagna le championnat international du Portugal.

Bien des hommes ont marqué l’histoire de notre club et je voudrais citer ici ceux que j’ai le mieux connus : Jean Terray (le père de Jean Claude et Xavier) qui travaillait toujours ses dossiers de banquier sur la banquette du fond de la salle à manger et invitait tous les jeunes à déjeuner. Je l’ai vu réaliser un trou en un sur le 2 de Vallière quelques semaines avant sa mort avec un bois 5 ! Philippe et Jean Marc Boegner, Georges Couchet, Philippe Vigna, Charles Magaud, Michel et Roger Goldet, les présidents Philippe Clément et Gérard Boulot, Max Corre qui avait toujours la dernière voiture à la mode, Paul Chadourne qui nous mettait en photo dans les pages de Tennis et Golf et épousa Gigi à 21 ans alors qu’il en avait déjà 70, Paul Pétridès qui, tout brigand qu’il était avait un charme fulgurant.

Et puis il y avait Dadar Leven, merveilleux de générosité et de drôlerie, dont la présence à la table de bridge nous manque toujours. Inséparable de Henri de Lamaze, le père de Patrick qui fut l’un des plus grands champions amateurs que compta la France dans les années 50. Jean Bréaud qui avait amené la chaleur de Tahiti à Morfontaine, Didier Vasseur, musicien exceptionnel qui avait composé l’hymne de Morfontaine et tant d’autres qui ont bercé notre jeunesse.

Cette évocation serait inutile si je ne parlais de Jean Dulout, Jimmy, le père de notre directeur, qui n’a pu être ici ce soir car il attend sa nouvelle hanche pour mardi prochain ; mais je lui ai parlé juste avant le dîner et il m’a chargé de vous adresser tous ses vœux et toute son amitié. Il a passé trente cinq ans avec nous à veiller à la bonne humeur et à l’ordre de ce club.

Sa personnalité toute en rondeur nous manque chaque week end et ses mémoires éditées à compte d’auteur sont une inépuisable source d’amusement.

Il a recueilli les récits de milliers de parties de golf sans jamais se lasser et Morfontaine lui doit beaucoup ainsi qu’à l’ensemble du personnel, Jacques, Roger, Madeleine et Marcel, Jacqueline et Jacqueline, Gilbert qui vient de nous quitter, Thérèse et toute l’équipe actuelle qui poursuit la tradition de gentillesse et de gaieté qui sont le propre de notre club.

Il ne faut pas oublier aussi deux figures historiques, René et Marcel Philippon, les deux professeurs qui ont depuis la création du club formé nos joueurs.

Pour conclure je citerai une lettre de Jacques de Saint Sauveur, qui avait largement contribué à la restauration du parcours et des finances du club après guerre en instaurant la contribution des « membres à vie ».

Cette lettre a été envoyée au comité en1998 :

« Le Président fondateur était très attaché et surveillait la stricte application de ce que l’admission de nouveaux membres ne tienne aucun compte des différences de fortune, de race et de religion, qu’elle ne fasse l’objet d’aucun marchandage clientéliste ou affairiste et qu’elle privilégie enfin chez les candidats le désir de s’intégrer à la vie du Club, de contribuer à la bonne entente entre ses membres et de sauvegarder son ambiance exceptionnellement conviviale. »

Quel beau programme pour l’avenir de Morfontaine !

Laure de Gramont, Le samedi 6 octobre 2007