La saga Vagliano (3 / 3) : Lally Vagliano-de Saint Sauveur-Segard (1921-2018)

Le 4 avril dernier, Lally aurait fêté ses 100 ans.
L’occasion de terminer en beauté cette chronique Histoire écrite par Philippe Palli et consacrée à la saga Vagliano.

 


Le livre Lally, Nathalie Jeanson, Coco Dupont et Pierre Bechmann


Dimanche 3 avril 2011. La veille de ses 90 ans, Lally Segard fête la sortie de son livre biographique « Lally » lors d’un déjeuner au golf de Morfontaine.
Ce recueil, rempli de ses souvenirs de golf « d’une époque pas si lointaine et pourtant ….si différente », a vu le jour grâce à l’insistance de Nathalie Jeanson
(Le livre est en cours de réédition avec texte en anglais. Pour plus d’infos, contact: njeanson@legrandclub.com )
Président d’Honneur du golf de Chantilly, l’inoubliable Jean-Louis Dupont dit Coco, décédé quelques semaines plus tard, avait écrit la préface du livre. Présentée sous forme d’une lettre, c’est surtout à son amie qu’il rend hommage tout autant qu’à la championne :
« C’est à ta façon d’être, si parfaitement simple, discrète, efficace, que je veux rendre hommage. À l’amitié que tu as su générer autour de toi dans les golfs qui ont eu le plaisir de t’accueillir, et à l’exemple que tu as donné à tant de golfeuses célèbres.
Merci, Madame, d’être « the greatest Lady in Golf » – disaient et écrivaient les connaisseurs de notre sport. Comme ils avaient raison !… Coco ».

Quant à la quatrième de couverture, qui mieux que Pierre Bechmann, l’actuel secrétaire général de la Fédération pouvait l’écrire, lui qui possède une immense culture Golf. Ancien Président du Golf-Club de Chantilly mais aussi de L’Association Européenne de Golf, il a été captain du Royal & Ancient of Saint Andrews dont il est toujours membre.

Extrait de la postface :  » Lally ! Le point d’exclamation s’impose en effet : je n’ai jamais entendu prononcer le prénom de Madame Segard sans qu’une belle humeur ne traduise à la fois, l’affection pour l’amie et l’estime pour la championne… Championne en France, souvent, et championne aussi de tous les pays d’Europe. Championne de la cause du golf, enfin ambassadrice de notre sport comme personne ne pourra l’être, par son talent, son charme, son élégance et sa simplicité… Chez les Vagliano, on ne triche jamais. Nulle part. Au-delà du sport, Lally est d’une famille qui a honoré la France. Nous qui avons le bonheur de connaître et d’aimer Madame Segard, nous savons que « Lally ! » est et restera un cri de ralliement pour ceux et celles qui aiment le golf, et qui le pratiquent avec élégance et talent, dans l’amitié ».

 


Ma rencontre avec Lally


 

Dans les années 1980, il m’était arrivé plusieurs fois de croiser Lally lors de tournois ou de pro-am mais, après un « Bonjour Madame Segard ! » Je continuais mon chemin.

Il aura fallu que j’enseigne vingt ans plus tard à Morfontaine pour que j’ose entamer une conversation.

C’était à l’automne 2004. Je venais d’intégrer ce grand club privé, comme professeur. Lally arrive au practice pour son entraînement hebdomadaire. Elle s’installe à une vingtaine de mètres du green d’entrainement et débute par quelques approches. Bien que je sois en train de donner un cours, je n’ai pu m’empêcher de l’observer. J’étais admiratif et amusé à la fois car, bien qu’âgée de 83 ans, l’ancienne championne laissait entrevoir un léger agacement quand son coup d’approche n’était pas celui escompté.

Après sa série autour du green, Lally fait un quart de tour pour taper quelques longs coups en direction des cibles du practice. Son swing, bien qu’il soit marqué par le temps, est toujours en rythme et tout aussi élégant.

La chance a voulu que l’on quittât le practice ensemble. Un bon 200 mètres nous séparait du club-house. Les salutations faites, nous avons commencé à discuter.

Venant de quitter fin septembre, mon poste de professeur et d’entraineur au golf d’Ozoir, avec à mon actif, quelques bons résultats dont un, je le dis avec humour, à titre posthume : l’équipe féminine que j’avais entraînée jusque-là devenant championne de France Dames Mid-Am 1ère division au golf de Domont quelques jours après.

L’évocation de ce club de Seine-et Marne nous amena à parler de mon père Jean qui y avait également été professeur entre 1966 et 1981. Et bien entendu de ma sœur Anne Marie, qui avait été membre de l’Équipe de France Dames sous son capitanat dans les années 1970.

Sachant que j’avais remporté le National Omnium, Lally me rappelle que l’ancien pro du Club, Marcel Philippon dont le père avait été caddy-master au golf de Saint Germain, l’avait également gagné. Puis, elle ajoute, « cette année-là en 1946, il y avait eu 3 champions de France à Morfontaine. J’avais gagné le National Dames et Philippe Boulart le National Messieurs. »

L’Histoire du golf français allait devenir notre sujet de conversation.

C’est donc grâce à Morfontaine que j’ai eu la chance de côtoyer Lally et de pouvoir continuer la discussion après mon « Bonjour Madame Segard ».
Lors de déjeuners que nous prenions ensemble au restaurant du Club, nous parlions de tout et de rien mais le sujet « golf » revenait à grands galops. Il arrivait assez souvent que Mikou Caillol, l’ancienne championne de France et membre du Club, se joigne à nous. Et là, il n’y avait rien de plus plaisant que de les entendre parler de leur histoire Golf.

Mikou était redoutable au petit jeu. Il valait mieux l’avoir comme partenaire plutôt qu’adversaire. D’après Lally, c’était une « terreur » !

 


Ses débuts au golf


Enfant et même jeune adolescente, Lally trouve que l’apprentissage du golf est un peu ennuyeux. Contrainte et loin d’être capricieuse, Lally suit ses parents au golf.
C’est à Compiègne qu’elle débute, enfant, avec sa jeune sœur Sonia. C’est encore l’époque où la structure « practice » n’existe pas. Ses débuts se font directement par le jeu, sur le terrain, sous l’œil attentif de ses parents. Lally n’accroche pas. Elle préfère l’athlétisme et le hand-ball mais elle a l’obligation de suivre ses parents.

1934, Lally gagne sa première coupe

C’était un Prix des Jeunes joué sur le 9 trous de Vallière à Morfontaine. À partir de cette date, tout est mis en œuvre par les parents pour que l’adolescente âgée de 13 ans, s’intéresse un peu plus au golf. Il se trouve que Lally aime la compétition, adore se battre et surtout gagner.

Dans son livre de mémoires « Les demoiselles de Gaulle », Sonia explique que pendant leurs jeunes années, la cheffe, c’était Lally. Agacée par le fait que Sonia joue un peu mieux, Lally a comme premier objectif de « battre sa sœur ». « Comme quoi ce ne sont pas toujours les bons sentiments qui vous guident ». Lally.

1935, un bel apprentissage

Tous les jeudis, Lally joue à Saint Cloud avec le grand champion Aubrey Boomer et, le dimanche, c’est golf à Morfontaine. Avec Boomer, André Ghintran et autres, Lally découvre le jeu d’excellence. Partager des parties avec des amoureux du jeu de golf, suivre des joueurs et joueuses de haut niveau et dont l’esprit compétitif, dans le respect des Règles, est également reconnu, voilà le bel apprentissage de Lally !

En octobre 1935, le Club du duc de Gramont accueille le Prix de l’Automobile Club Féminin de France. Lally fait équipe avec la championne Simone Lacoste. Cette association n’a pas été suffisante pour gagner ! Mais ça, c’est le golf. Pour l’histoire, la coupe a été remportée par Sonia, associée à leur mère Barbara. Il n’est pas impossible d’imaginer que cela l’a un peu agacée !

1936, des résultats prometteurs

L’année suivante, Lally passe à la vitesse supérieure et laisse Sonia sur place. Son jeu s’est considérablement amélioré et les premiers résultats en compétitions nationales le démontrent.

Lally finit seconde de la coupe Esmond. Celle-ci ayant été remportée par Christiane Benoist, future Mme Binoche.

En mai, Lally obtient une 5ème place à la coupe Gaveau. Il n’y a rien d’extraordinaire à cela ! Sauf que Mlle Vagliano, hcp 14, a réalisé à Chantilly un score de 81 avec un retour prometteur en 37 et, cerise sur le gâteau, Lally se classe devant sa mère et devant sa sœur. 

En juillet, le comité des Dames de la FFGolf présidé par sa mère Barbara et par Pauline de Vilmorin, remet à jour les handicaps des joueuses de 1ère série. Lally passe de 14 à 9.

En fin d’année, le journal l’Auto du 29 décembre 1936, annonce que  » Lally a fait un bond impressionnant. La voilà avec un handicap de 5. La fille de Mme A.M Vagliano doit encore progresser rapidement : c’est une future championne que le golf féminin français possède ».

Classée au-delà des 50 premières joueuses de France en 1935, Lally finit l’année 1936 à la 14ème place avec un handicap de 5, en compagnie de Cécile de Rothschild, de Madame Sébline, Mlle C. Fairbanks et Pauline de Vilmorin (de Bellet).

1937, Le doublé France et Grande Bretagne, Girls

Lally va maintenant porter un intérêt plus grand au jeu de golf. Elle débute l’année en remportant la coupe Esmond à la Boulie, devant sa sœur Sonia et elle enchaine avec une belle  2ème place à la coupe de France-Femina qu’elle partage avec Yvonne Le Quellec.

Cette performance lui vaut de faire son entrée en Équipe de France Dames.
Sous le capitanat de sa mère, Lally participe pour la 1ère fois, à la rencontre Angleterre/France dotée de la coupe Vagliano. L’épreuve se joue cette année outre-Manche. La jeune championne rate quelques jours d’école. Pour cette excellente élève, première de sa classe, ce n’est pas un souci.

Peu avant les vacances d’été, Lally se retrouve avec un handicap de 4. Son point fort est son jeu de fers qu’elle manie, selon Percy Boomer le frère d’Aubrey, à la façon d’un maître. Cependant, elle montre parfois un peu de nervosité.

En fin de vacances d’été, père et fille Vagliano, remportent le Fathers & Daughters devant Maureen Garrett (Ruttle) et son père. Puis, Lally enchaîne avec le British Girls à Stoke-Poges où, elle retrouve sa sœur Sonia, Yvette Kapferer et Jacqueline Carpentier, la fille du célèbre boxeur.


Après Simone et Diana,  Lally !


 

 

En 1935 et 1936, Lally avait été éliminée du tournoi dès les premiers tours. Cette fois-ci, en 1937, Lally arrive en finale et remporte le tournoi.  » A golfing prodigy «  écrit la presse anglaise en annonçant sa victoire.

D’après les comptes rendus, ses coups sont d’une remarquable longueur et sa technique est qualifiée de parfaite. Tout au long du championnat, elle domine ses adversaires et, lorsque sa balle s’égare, l’aisance avec laquelle elle se joue des difficultés, étonne !

Les Britanniques sont sous le charme de leur nouvelle championne et les comparatifs avec Simone Thion de la Chaume devenue Madame Lacoste, vainqueur du championnat en 1924, ne manquent pas. Depuis Diana Esmond (sa mère était française) en 1926, aucune autre jeune joueuse de l’hexagone, n’avait remporté le British Girls.

De retour en France, Lally finit ses vacances à Compiègne et retrouve quelques jours plus tard le golf de Morfontaine.  Elle y est accueillie avec les félicitations du duc de Gramont, le président du Club.

Lally, handicap scratch

En octobre, Lally remporte la qualification de la coupe de Vilmorin (Mouchy au féminin) et, lors de la Coupe Maneuvrier à Morfontaine, avec un score de 73, Lally bat le record féminin du parcours. (Coupe créée par Morfontaine en hommage à Pierre Maneuvrier 1906-1929, Champion de France Messieurs 1925, 1928 et 1929. Interclubs toujours existant, et joué sur invitation).

En fin d’année, le Comité des Dames établit le nouveau classement des handicaps de leurs joueuses nationales. Lally rejoint Janine Munier (Gaveau) avec un handicap 0, Aline Strauss (de Gunzburg) est hcp + 1 et Simone Lacoste (Thion de la Chaume) toujours N°1, est hcp + 2.

En deux saisons, la jeune championne française est passée d’un handicap de 14 à celui de scratch !

D’après son père, Lally dispose d’une très bonne distance au drive, plus de 200 mètres, ses fers sont joués à la perfection, son putting s’est bien amélioré mais elle est encore pleine de fantaisie dans les « chips ». L’Auto du 20 octobre 1937.

1938, la Golfer’s avec Morfontaine

En 1938, Morfontaine remporte sa 1ère coupe Golfer’s. La finale de l’Interclubs de France Dames 1ère série oppose Morfontaine à Chantilly. Les 2 sœurs Vagliano représentent le Club de Morfontaine alors que leur mère Barbara joue pour celui de Chantilly. Si elles ont réussi à s’éviter lors des simples, ce ne fut pas le cas en double. Opposées à Barbara Vagliano et Mme Sébline, Lally et Cécile de Rothschild se sont fait plaisir en gagnant leur match.

Lors de la rencontre annuelle France-Angleterre, coupe Vagliano, Lally apporte les 2 seuls points de la rencontre de l’équipe française. Le premier point est acquis en double avec Simone Lacoste et le second, en remportant son simple par 3 et 1 face à Miss Corlett.

Le Figaro 29 mai 1938 : « Lally dont les qualités exceptionnelles se développent sans cesse a confirmé qu’elle était digne des espoirs que l’on fonde sur elle ».

En fin d’année, avec un handicap de +1, elle partage désormais la place de N°2 française avec Aline Strauss.

En 1939, doublé Coupe et Championnat pour Lally

À l’issue de la coupe de France-Femina, future coupe Pierre Lafitte, qui a été disputée à Saint Cloud, Lally et Janine Gaveau sont à égalité et un départage est prévu. Les deux joueuses se retrouvent le lendemain pour jouer leurs 18 trous de play off. Lally ayant son Bac Philo dans l’après-midi, le parcours est joué le matin.  » ….les deux adversaires durent créer un record de vitesse; le temps qu’elles mirent à accomplir leur tour, en moins d’une heure trente-cinq minutes, est certes l’un des plus courts que l’on ait eu l’occasion de relater dans une finale de championnat. Je n’ai personnellement pas souvenance de m’être jamais, dans de semblables circonstances, retrouvé au 19ème trou si peu de temps après avoir quitté le premier départ. » Percy Boomer, Tennis &Golf.

Au Championnat de France, Lally fait barrage à Simone Lacoste qui était prête pour son dixième titre. La nouvelle championne de France Dames remporte à Morfontaine, la coupe Pierre Deschamps par 4 et 3 sur 36 trous.

Quelques mois plus tôt, en avril, lors d’un entretien pour le journal L’Auto, Maître Massy avait annoncé en direct de la Mamounia à Marrakech  » Mlle Lally Vagliano sera dans deux ou trois ans, championne du Monde. Mon opinion est formelle ».

Prête pour aller disputer le championnat des États-Unis, la nouvelle N°1 française se retrouve, malgré elle, bloquée dans son élan. En septembre, la France et l’Angleterre déclare la guerre à l’Allemagne. Tous les tournois d’Europe sont arrêtés et son voyage aux US annulé.

 


Lally, vicomtesse de Saint Sauveur


Fin décembre 1939, Lally épouse le vicomte Jacques de Rafelis de Saint Sauveur, le fils d’Armand de Saint Sauveur le donateur de la coupe du même nom.

Appelé sous les drapeaux, Jacques, membre en équipe de France, a été vainqueur de la Blackheath avec Philippe Boulart en 1937 et 1938.

Deux enfants naîtront de cette union. Evelyne en décembre 1940 et Alain en février 1942. Cette même année, les championnats nationaux reprennent. Lally fait impasse.

Francine Tollon, la championne de France 1933 et 1935, remporte un nouveau titre sous le nom de Francine d’Elchingen. Lally va retrouver son titre de championne de France en 1943 et en 1944.

Fin août 44, suite à la Libération de Paris, Lally retrouve sa sœur

Sonia avait quitté la France avec leur mère, américaine, pour les États-Unis en tout début d’année 1941. Engagée volontaire dans les Forces Françaises Libres, Sonia est revenue en Europe. Elle profite de sa venue à Paris pour retrouver, pendant quelques heures, sa sœur et son père.

Extrait  » Les demoiselles de Gaulle 1943-1945″ de Sonia Eloy-Vagliano. Retrouvailles des 2 sœurs devant l’hôtel Claridge à Paris.

… Subitement, elle est là devant moi, grande, brune, bronzée, ravissante, elle n’a pas changé du tout.

– Salut !

– Salut !

On n’est pas très expansif dans la famille. Cela n’empêche pas les sentiments. Instinctivement, notre jargon de jeunesse revient, les années s’effacent. On s’embrasse, évènement exceptionnel mais à la hauteur de la situation.

– T’as pas changé.

– Toi non plus.

– Maman va bien ? J’ai eu une lettre hier au Mans. Elle doit râler de ne pas être là.

– Vous en avez mis un temps à venir. On en avait vraiment marre des Boches.

– D’accord, mais c’était pas commode.

Quelques lignes plus loin, Sonia avoue qu’avant-guerre, les deux sœurs étaient inséparables mais, le conflit qui précipita le mariage de Lally, puis qui l’a rendit mère de famille, a déterminé son engagement dans l’armée. En route pour la maison, les deux sœurs sont sur la bicyclette avec laquelle Lally est venue chercher Sonia.

 À nouveau, je fonds en larmes et je m’essuie la figure contre la robe de Lally.

– Je vois que tu chiales toujours autant.

– Non, c’est plutôt rare, mais c’est bon de te revoir.

– Alors, arrêt buffet… À propos, tu t’évanouis toujours quand tu vois une goutte de sang ?

– Non. De ce côté-là, cela va mieux, heureusement. Mais je ne dis pas que cela n’arrivera plus. Le tout c’est d’être occupée : en général, je le suis.

– Encore une chance. Je suis sûre qu’il n’y a pas une de tes copines pour te donner des claques. Il faudrait que je leur passe la consigne.

– C’est vrai, je n’ai plus personne pour me donner des claques.

Arrivées à la maison. Mon père attend devant la grande porte verte. Je me précipite dans ses bras…..


Cinq nouveaux titres de championne de France entre 1946 et 1954


En 1945, le Championnat de France est annulé. Lally remporte le titre en 1946, 1949, 1950, 1951 et 1954.

Au Championnat de France 1951 qui s’était joué à Chantilly, Lally et Sonia se retrouvent en finale. Toujours tétanisée par sa sœur, ce qui semble incroyable après ce qu’elle a vécu, Sonia n’a rien pu faire. C’est par un score très sévère de 12 et 11 que Lally va acquérir son 7ème titre. Ce n’est pas la première fois que Lally rencontre Sonia en finale de championnat. Les deux sœurs s’étaient rencontrées lors du Championnat International de France double dames en 1949. Sonia était associée à Mikou Caillol, la terreur ! Elles avaient remporté la coupe Saint Germain par 5 et 3 face à Lally et Jacqueline Alvarez.

Lally co-détentrice du nombre de victoires en coupe de France

La Coupe de France porte maintenant le nom du créateur du magazine Femina, Pierre Lafitte. Vainqueur de la Coupe de France-Femina en 1939, l’épreuve refait surface après-guerre. Dès la reprise en 1947, Lally remporte le championnat et enchaîne avec les années 1948, 1949, 1950, 1951 et 1954. Avec 7 Coupes, Lally partage le record du nombre de victoires avec Simone Thion de la Chaume-Lacoste.

La coupe actuelle n’étant pas la coupe originelle, les gagnantes entre 1923, date de la 1ère coupe de France, et 1927 n’y figurent pas. Janine Gaveau avait remporté l’épreuve en 1923, et Simone Thion de la Chaume en 1924, 1925, 1926 puis s’ajoutent 1929, 1930, 1932 et 1937.

1950, Après Simone et Manette, Lally !

Déjà victorieuse des Internationaux de France, de ceux d’Italie, de Suisse, du Luxembourg, la championne française domine le golf féminin d’Europe Continentale sous le nom de Lally de Saint Sauveur ou vicomtesse de Saint Sauveur.

En 1950, après avoir battu en finale la très grande joueuse écossaise Jessie Valentine par 3 et 2, Lally inscrit son nom au palmarès du plus ancien tournoi féminin « 1893 », le British Ladies Championship récemment nommé, « The Women’s Amateur Championship ».

C’est le Championnat du Monde auquel faisait référence Arnaud Massy avant-guerre. Décédé en ce mois d’avril 1950, l’esprit du champion basque aurait-il guidé Lally vers cette victoire historique ?

Avant Lally, deux autres Françaises avaient gagné ce tournoi : Simone Thion de la Chaume en 1927 et Manette Le Blan en 1928.

De nos jours après une telle victoire, la voie du professionnalisme serait envisagée naturellement. Mais en son temps, le golf pro féminin venait juste de naître aux États-Unis. Et, en France, un joueur amateur, aussi brillant soit-il, ne passait pas professionnel. Cela était impensable car inconvenable. Alors une joueuse, n’en parlons pas !

En 1953, afin de promouvoir le golf pro féminin à travers le monde, quelques professionnelles américaines du LPGA sont invitées à Sunningdale afin d’y rencontrer les meilleures  joueuses amateurs des Iles-Britanniques. Par autorisation spéciale, Lally de Saint Sauveur est sélectionnée dans l’équipe britannique.

En 1966, suite au Championnat International Double Dames de Grande-Bretagne qu’elle avait gagné associé à Brigitte Varangot, la presse anglaise écrit  » Mme de Saint Sauveur et Brigitte Varangot seraient l’équipe numéro 1 des Britanniques contre les États-Unis pour la coupe Curtis si….elles n’avaient pas commis l’erreur de naître du mauvais côté de la Manche. »

À l’exception de la coupe Gaveau, Lally a remporté en son temps, toutes les épreuves françaises, qu’elles soient nationales ou internationales, et que ce soit en individuel ou en double. Avec 12 Coupes Saint Germain à son actif, Lally en détient le record.

 


Sous son nouveau nom de Lally Segard, elle remporte ses derniers titres


À la fin des années 50, Lally et Jacques de Saint-Sauveur se séparent. Leur divorce n’est prononcé qu’en 1969. L’année suivante, Lally épouse Patrick Segard.

En individuel ou en équipe de France, les derniers titres de Lally le seront en tant que joueuse senior. Championne d’Europe en 1985, 1986 et 1987, elle a également été championne de France en 1984 et 1985. Ce championnat est actuellement doté du Trophée Lally Segard.

Lally, dans la continuité de sa mère

Dès 1957, Lally est à la tête de la Commission Féminine de la FFGolf. L’ex-Comité des Dames avait été créé par sa mère et Pauline de Vilmorin. Dès cette même année, et tout en jouant, Lally va également assurer le capitanat de l’équipe de France Dames avec laquelle elle va devenir Championne d’Europe Dames par équipes en 1959, 1961 et 1969.

À la tête de la Commission Féminine, Lally ne manque pas d’imagination.

Le trophée Vagliano, offert par ses parents, dotait la rencontre France-Angleterre depuis 1931. Rencontre plutôt déséquilibrée, par la supériorité des joueuses britanniques, Lally propose au Ladies Golf Union de supprimer le France-Angleterre et d’utiliser le Trophée Vagliano pour doter une rencontre féminine Europe Continentale / Grande Bretagne.

La première rencontre se déroule près de Londres, au golf de Wentworth en 1959.

Lally de Saint Sauveur, capitaine de l’équipe continentale et joueuse, mène ses coéquipières dont les Françaises, Claudine Cros, Odile Garaialde-Semelaigne et Brigitte Varangot, affronter l’équipe d’outre-Manche.

Comme la première de 1931, celle de 1959 est une défaite et une grande réussite sportive. Par contre, après 3 défaites consécutives, l’équipe continentale, toujours conduite par Lally, est à son tour auréolée de trois victoires consécutives en 1965, 1967 et 1969.

Lally va aussi donner un nouvel élan à la coupe Esmond. L’international de France Jeunes filles commence par changer de formule de Jeu. Précédé d’une rencontre France-Angleterre doté de la coupe Martini, la loi Evin n’existait pas encore !, le championnat Jeunes Filles prend chaque année de l’envergure et devient un grand classique dans lequel participe l’élite des jeunes golfeuses européennes. Par la suite, la rencontre France-Angleterre sera remplacée par un tournoi des Nations doté de la coupe Madame Roger de Vilmorin. Coupe qui avait été offerte par Pauline de Bellet-de Vilmorin en 1929.

En 1962, Lally met en place le premier championnat féminin français, joué sur 4 tours en stroke-play. Lorsque je lui avais demandé, pourquoi un 72 trous, sa réponse avait été très simple : Bah ! Il n’y en avait pas. Nous avions également très peu de stroke-play.

Doté de la coupe Carven, il devient International de France stroke play en 1967 année où il est remporté par Catherine Lacoste.

L’International de France match play qui, lui, avait été créé en 1909, va progressivement disparaître. Après une période d’alternance, le stroke play doté depuis 1998 et grâce à Lally du Trophée Cécile de Rothschild devient, dès 2002, l’unique International de France Dames.

En 1983, Lally met en place le championnat de France Interclubs 3ème série dames doté du trophée de la Commission Féminine. Depuis 2004, ce trophée dote le Championnat de France Senior Dames par équipes 1ère Division qui a été créé en 2002.

La création du 1er Championnat du Monde Dames 1964

À l’origine des championnat d’Europe Dames par équipes, Lally l’est aussi pour les championnats du Monde.

En relation avec l’Américaine Mrs Prunaret, présidente de la section féminine de l’USGA, pour la mise en place d’une rencontre régulière entre les USA et la France, Lally

propose un championnat du monde Dames par équipes. Les hommes ayant le leur depuis 1958, il était normal, pour Lally, que les femmes l’aient aussi.

Les deux femmes s’accordent sur le fait que la France soit le premier pays organisateur du Championnat.

Doté d’une coupe offerte par la famille portugaise Espirito-Santo Silva, ami de la famille Vagliano, le 1er Championnat du Monde Dames par équipes est organisé au golf de Saint Germain en octobre 1964.

Tennis & Golf mai 1964 :  » C’est un grand, un très très grand honneur pour le golf français en général et le club de Saint Germain en particulier, de s’être vu confié l’organisation de ce tournoi qui rassemblera sur les links de golf, cher au Président Bertrand, du 1er au 4 octobre prochain, les meilleures joueuses amateurs du monde entier… La Fédération Française de Golf a confié l’organisation de ce championnat à la vicomtesse de St Sauveur, assistée par certains membres de la Commission Sportive de la FFG et du Golf de Saint Germain ainsi que Mmes Française Gerson, Anne Bouton, MM Jean Bourret et Henri Frayssineau directeurs de Saint-Cloud et de Saint-Nom-la-Bretèche, qui tous ont déjà montré leurs talents lors de la dernière Canada Cup (championnat du Monde Pro par équipes qui s’était déroulé à Saint Nom en 1963)…  Anne Bouton a eu l’excellente initiative de prévoir l’attribution d’une hôtesse à chaque équipe participante. Elle sera chargée d’assurer leur transport dans les meilleures conditions possibles, du club à leur résidence etc… « .

Sur 29 équipes inscrites, 27 y participent. Sous le capitanat de Lally, Brigitte Varangot, Claudine Cros et la benjamine de l’équipe Catherine Lacoste, 19 ans, sélectionnée suite à un barrage avec Odile Garaialde-Semalaigne.

La France remporte le titre mondial et Catherine Lacoste partage la 1ère place du classement individuel avec Carole Sorenson. Au lendemain du championnat, Lally reçoit de Tokyo le télégramme suivant du Secrétaire d’état à la Jeunesse et aux Sports, Maurice Herzog : «  Vous félicite chaleureusement pour remarquable organisation premier Championnat du Monde Golf Féminin, ainsi que pour résultats obtenus qui nous réjouissent très vivement. »

Ce titre va valoir à l’équipe de France le Prix Virginie Hériot décerné en 1964 par l’Académie des Sports.

Dès 1964, Lally est nommée Présidente du Comité Féminin du World Amateur Golf Council pour une durée de 6 ans. Elle le sera jusqu’en 1994, année où Lally passera le flambeau.

En 2015, Lally Segard devient membre d’honneur du Royal & Ancient de Saint Andrews. Distinguées également par ce titre honorifique, la princesse Anne, Dame Laura Davies, Annika Sorenstam, Renée Powell, Louise Suggs et Belle Roberston.

Lally Segard née Vagliano  décède le 3 mars 2018 à l’âge de 97 ans.

 

 

 

Philippe Palli

Contact : ph.palli@orange.fr

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