Et Pierre Lafitte créa la golfeuse de France

Pierre Lafitte est le créateur de la Coupe Femina. Epreuve en stroke-play qui représente le Championnat de France Dames de 1908 à 1922 avant de devenir Coupe de France en 1923 et qui maintenant, porte le nom de Coupe de France -Trophée Pierre LAFITE. – ah ! le petit air-shot du graveur qui a oublié un T à Lafitte sur la coupe-challenge ! -.

Une chronique de Philippe Palli pour Golf Planète

Femina : 1er juillet 1903… Le Golf : Sport, dit féminin par excellence

« Plus mouvementé que l’antique croquet, moins agité que le moderne tennis, le golf est un sport féminin par excellence, car il procure un exercice mesuré et suscite toutes les émotions d’une victoire difficile à atteindre, sans exiger toutefois ni effort violent, ni mouvement brusque. Et cependant, bien qu’il passionne depuis des siècles les jeunes anglaises, il est en France l’apanage de quelques privilégiés réunis en deux ou trois sociétés élégantes … les françaises sont encore trop…coquets dira le professeur anglais du golf de Paris avec son bel accent.

Cette simplicité de toilette une fois acceptée, je ne serais pas éloigné de croire que le golf est le sport le plus pratiquement féminin. Il force à marcher, non à courir, à dépenser de la force, non à la disperser, à faire de l’exercice non à se fatiguer. Il exige de l’adresse, de l’habilité, de la patience, du coup d’œil et de la décision. Il passionne au plus haut degré ». 

En ce début de 20ème siècle, les cannes sont plutôt utilisées avec maladresse par nos joueuses, du coup, les trajectoires de balles sont terriblement capricieuses.

Cependant, elles le pratiquent avec enthousiasme. Talons hauts, jupe serrée et chapeau, elles s’amusent.

En peu d’années, le golf est en France, un des sports favoris de la femme du monde. Elles s’y sont adonnées en même temps que leurs chers et tendres. Elles n’ont pas été interdites de Jeu ou parquées sur un putting green comme l’ont été leurs homologues britanniques pendant plusieurs années.

 

1908, La coupe Femina, le 1er championnat national des françaises

Dans l’espoir qu’un jour les françaises puissent aussi rivaliser avec les meilleures golfeuses britanniques et américaines, l’éditeur Pierre LAFITTE, membre du golf de Paris, donne naissance en 1908 au 1er championnat national pour les golfeuses nées françaises qu’il dote de la Coupe Femina.

Cette coupe, d’une valeur de 2000 francs, véritable œuvre d’art qui sort des ateliers d’Hébrard, le célèbre fondeur de la rue Royale, devra être gagnée 3 fois par la même joueuse pour lui appartenir définitivement. La Coupe Femina sera donc désormais le véritable championnat féminin de Golf de France…(Hélène Avryl, Femina).

 

L’épreuve se déroule le 18 juin au golf de la Boulie. C’est sous une pluie battante que Pauline Roissard de Bellet, 16 ans, va remporter le 1er championnat national des françaises.

« Je pense qu’après cette expérience, on ne viendra plus prétendre que les françaises ne sont pas sportives ». Hélène Avryl, Femina, 15 juillet 1908.

En souvenir de cette victoire, une belle montre-bracelet de chez Cartier avait été remise à Pauline de Bellet.

En 1923, suite à la mise en place d’un nouveau National Dames, l’ancien championnat national des Françaises devient une Coupe de France et, il est toujours doté de la coupe Femina.

Depuis 1912, une nouvelle coupe-challenge de chez Boin-Taburet dote le championnat. Elle remplace celle des Ateliers Hébrard définitivement acquise par Pauline de Bellet suite à ses trois victoires consécutives (1908, 1909 et 1910).

Non disputé en 1911, le championnat est de retour en 1912.

Le Challenge de chez Boin-Taburet va doter la coupe Femina-Championnat de France jusqu’en 1922 puis, la Coupe de France-Femina de 1923 à 1926.

Date à laquelle et suite au règlement de l’épreuve, il a été acquis définitivement par Simone Thion de la Chaume victorieuse en 1924, 1925 et 1926.

En 1927, c’est une coupe-challenge de chez l’orfèvre Robert Linzeler- Argenson qui dote la Coupe de France-Femina.

Remplacée quelques années plus tard par la coupe-challenge « Trophée Pierre Lafite » où seules les gagnantes depuis 1927 sont inscrites.

Hélas, les noms de Janine Gaveau vainqueur de la 1ère édition en 1923 et de Simone Thion de la Chaume n’y sont pas gravés.

 

Pierre LAFITTE 1872-1938

Né à Bordeaux en 1872, Pierre Lafitte poursuit ses études au lycée de Bordeaux. Passionné par les sports et plus particulièrement par le vélocipède, il crée au sein même du lycée, le véloce-club.

Être journaliste sportif (un rêve fou pour l’époque) est son objectif. Le jeune bordelais ne poursuit pas d’études universitaires préférant intégrer le quotidien local de la famille Gounouilhou « la Petite Gironde ».

En 1892, il monte à Paris. Il travaille comme vendeur aux cycles Humber et ne tarde pas à faire la connaissance de Valentin Simond, directeur du quotidien l’Echo de Paris. Après maintes discussions, il est engagé et le 13 octobre de cette même année, Pierre Lafitte ouvre sa rubrique « Cycling-Gazette » sous le pseudonyme de Jehan de la Pédale.

En 1897, il devient le rédacteur en chef du premier numéro de La Vie au Grand Air « Revue illustrée de tous les sports » puis quelques mois plus tard, il prend les rênes de ce magazine.

Les éditions Pierre Lafitte sont créées.

En quelques années, plusieurs magazines abordant différents sujets et tous illustrés sont édités. Femina, Musica, Je sais tout, La Vie à la Campagne, Fermes et Châteaux, Le Petit magazine de la Jeunesse. Puis, la célèbre histoire du Gentleman Cambrioleur Arsène Lupin écrit par Maurice Leblanc, celle de Rouletabille etc.

Le succès, très vite au rendez-vous, ouvre à Pierre Lafitte la porte de plusieurs Cercles sportifs mondains dont l’Automobile Club de France, l’Aéro-Club, le Cercle d’Escrime Hoche, la Société des Sports de Puteaux, le Cercle du Tir aux pigeons, le Golf de Paris etc…

Membre puis secrétaire de l’Académie des Sports, il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur en 1905.

En 1906, il installe tout, direction, rédaction, administration au 90 avenue des Champs-Elysées, dans l’hôtel Dufayel.

L’année suivante, il y ajoute une salle de spectacle, une galerie des fêtes, des ateliers de photogravure, de composition, de retouches etc. Un luxe artistique incomparable.

 

Pierre Lafitte a le sens de l’actualité, de la publicité et du luxe

Toujours à l’affût de nouveautés, il réalise en 1910, un grand projet : la création d’un quotidien fondé sur l’illustration photographique : l’Excelsior.

Pour ce projet, le milliardaire Basile Zaharoff, marchand de munitions, se porte garant et l’aide. Pour les Tintinophiles, Zaharoff est représenté par Hergé dans l’Oreille Cassée sous le nom de Bazaroff.

En 1911, les Editions Pierre Lafitte publient  » Le Golf  » d’Arnaud Massy, préfacé par Pierre Deschamps, Président du golf de Paris. Le livre est un succès et sera traduit en anglais en 1914. C’est le premier livre d’un professionnel de golf français traduit en langue anglaise.

En 1916, les éditions Pierre Lafitte sont en perte de vitesse. La maison Hachette devient acquéreur des superbes locaux parisiens et des Editions sauf le journal Excelsior. Le quotidien sera vendu à Paul Dupuy, fils de Jean Dupuy directeur du Petit Parisien en 1917. Un contrat avec Hachette permet à Pierre Lafitte de conserver une fonction de directeur littéraire et artistique au sein de ses anciennes éditions.

Vivre l’hiver à Paris, lui est de plus en plus pénible. Pendant cette période, il séjourne sur la Côte Basque ou sur la Côte d’Azur. Cela n’arrange pas ses affaires et, en 1925, son rôle chez Hachette se réduit à Conseiller Technique. Toujours aussi passionné par son métier, il participe à la création de La Gazette de Biarritz en 1921 et à La Gazette de la Riviera en 1925. Lorsqu’il réside à St Jean de Luz, il retrouve Arnaud Massy, arpente le parcours du Golf de la Nivelle et entre au Comité du Club.

Dans les années 30, il accumule plusieurs rôles de Conseiller auprès de la presse parisienne comme le Figaro, Paris-Soir, l’Intransigeant et de la dernière radio privée Radio-37. Il occupe également des fonctions honorifiques au syndicat de la presse périodique parisienne et au Syndicat des Directeurs de Journaux Sportifs qu’il avait créé à la fin de la guerre et dont, il avait assumé la présidence.

Pierre Lafitte décède le 13 décembre 1938. Tennis & Golf, N°36, 16 janvier 1939.

« … Pierre Lafitte n’avait pas plus grand plaisir que de distribuer les récompenses, aux dames surtout, car il savait toujours obtenir de la lauréate un baiser qui faisait son bonheur… Nul ne présidait une distribution de prix avec une meilleure grâce que Pierre Lafitte ».

Philippe Palli